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Sculptures en porcelaine émaillées

Le travail de Sophie Langohr repose sur l’étude et l’interprétation d’œuvres patrimoniales. Elle s’approprie des images et des objets chargés d’histoire et s’exprime à travers leurs propres modes de construction et de production de sens. Par différents procédés de refabrication, elle les revisite, les détourne et les subvertit pour les faire parler autrement dans de nouveaux contextes.

Comprenant que le processus de déchristianisation de notre société entraine une perte de signification des œuvres religieuses, l’artiste en a fait un corpus privilégié. Elle tire profit de la relative opacité de ces œuvres « vestiges », mais qui, selon elle, portent encore un peu de l’énergie transformationnelle dont elles furent chargées en tant qu’objets sacrés.

A l’occasion de l’exposition à l’Hôpital Notre-Dame à la Rose, Sophie Langohr poursuit ses recherches sur la statuaire traditionnelle. Elle produit un ensemble de sculptures en porcelaine réalisées d’après le moulage du creux intérieur de statuettes en céramique issues de la collection du musée. Dans ce travail, son intervention consiste à faire littéralement «accoucher» ces œuvres de nouvelles formes. Celles-ci rompent radicalement avec les codifications extrêmement précises qui ont déterminé l’esthétique des pièces qui leur ont servi de «matrices». Les nouvelles sculptures épousent des contours étranges et singuliers. Sophie Langohr s’amuse de ces décalages formels qui troublent les catégories binaires telles que: intérieur/extérieur, matière/forme, abstrait/figuratif, féminin/masculin, nature/culture, passé/futur et spécule ainsi sur les possibilités de régénérescence et de transformation de notre pensée.

L’artiste s’est également intéressée à deux tableaux à l’huile du 17ème présentés dans la salle conventuelle et représentant Marie-Madeleine « repentante et consciente de sa vanité » dans la grotte de Sainte-Baume. Elle en retouche les images pour faire disparaître le personnage féminin et tous les éléments allégoriques. Ne subsiste que le décor de la scène : un univers de plein et de vide, d’ombre et de lumière. Ce qui apparait désormais, c’est un cadre antagoniste qui renvoie au mythe de la caverne et au-delà, à celui de la féminité matricielle. Un paysage à déserter.

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Julie Hanique
(Catalogue d’exposition Infiniment  p 101, 102, Hôpital Notre-Dame à la Rose de Lessines, 2019)